Pari de Pascal 4/4 (Renversement): Christianisme ou athéisme, quelle est la foi du moindre mal?

Dieu ne promet pas le paradis, mais le Jugement dernier. En faisant une promesse – le paradis – qui engage un tiers sur lequel il n’a aucune prise – Dieu –, le partisan du Pari de Pascal met en œuvre un procédé qui s’apparente à celui des escrocs. Le Pari se focalisant sur la récompense du paradis, si, plus honnêtement, on prend aussi en compte l'enfer, on aboutit à la conclusion inverse.

Puisque le nombre de religions est illimité, afin de simplifier le choix raisonné, choisissons deux positions bien tranchées, une famille de religions et une absence de religion: le christianisme et l'athéisme, et comparons-les.

Selon le christianisme, le chemin de notre vie se termine par un carrefour à deux voies: d'un côté le purgatoire puis le paradis éternel, de l'autre l'enfer et la souffrance éternelle. Certes, la perspective la plus intéressante est le paradis. Mais, selon Lc 13 23-25,

«Quelqu'un lui dit: «Seigneur, est-ce le petit nombre qui sera sauvé?». Il leur répondit: «Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite, car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer et n'y parviendront pas. Dès que le maître de maison se sera levé et aura fermé la porte, et que, restés dehors, vous vous serez mis à frapper à la porte en disant: «Seigneur, ouvre-nous», il vous répondra: «Je ne sais d'où vous êtes»»».

Mt 22 13-14 tient des propos semblables:

«Alors le roi dit aux valets: «Jetez-le, pieds et poings liés, dehors, dans les ténèbres: là seront les pleurs et les grincements de dents.» Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus».

Et encore [Mt 19 24]

«Je vous le répète: il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le Royaume des cieux».

Ainsi, le nombre de perdants est largement supérieur au nombre de gagnants. L'enfer est éternel et représente une perte infinie. Du point de vue chrétien, en moyenne statistique, il y a, dans la mort, plus à perdre qu'à gagner. Pour un chrétien modéré, la mort est un événement infiniment défavorable. Si c'est le père fouettard qui intervient le plus souvent et très rudement, je préfère ne pas essayer de passer chez le père Noël pour recevoir un hypothétique cadeau. Beaucoup de contemporains se sont appliqués à édulcorer le christianisme. Cependant, à minimiser l'importance du péché et de l'enfer, ils ne sont plus des chrétiens, mais des adeptes d'une doctrine personnelle.

La face claire de l'homme construit la religion comme un moyen d'adoucir le réel. Dans le même temps, sa face sombre remplit la religion de dangers redoutables qui inspirent craintes et peurs. Le salut est réservé à une élite extrêmement motivée et engagée. Le commun des mortels part perdant. Globalement, la religion perd sa valeur salvatrice et devient négative. Telle est l'inconséquence de la Bible.

Pour l'athée, notre vie se termine par notre disparition définitive, notre annihilation totale. Du point de vue du calcul des probabilités, l'espérance de gain post-mortem est nulle. L'athéisme propose une mort moins défavorable que le christianisme. Par conséquent, le calcul des probabilités nous recommande de ne pas donner suite au Pari de Pascal.

Résumons: D'une part, si le Jugement Dernier a bien lieu, la destination finale la plus probable est l'enfer. D'autre part, si le Jugement Dernier n'existe pas, rien ne se passe après la mort, ni récompense, ni châtiment. Dans tous les cas, il n'y a pas d'intérêt à investir dans la foi.

Alors que la tradition religieuse nous propose de réussir notre mort, l'homme contemporain se préoccupe d'abord de réussir sa vie. Une des fonctions fondamentales de la croyance n'est-elle pas d'atténuer nos peurs? Nous pouvons, à bon droit, refuser de passer notre existence oppressés entre la carotte et le bâton.

Pour gagner la liberté, il suffit d'adopter le point de vue adéquat. Étant donné que nous ne disposons que d'une seule vie, nous ne voulons pas la jouer au dé: il nous faut faire le choix qui, dans le cas le plus défavorable, nous permette de vivre dans la perspective d'une fin la moins dommageable possible. Puisqu'il vaut mieux s'endormir pour toujours que risquer de souffrir éternellement, l'athée peut envisager son existence d'une manière relativement plus sereine et moins angoissante que le chrétien.

Modèle mathématique du Pari du moindre mal

Dans le cas où le Jugement Dernier a lieu, quelle est la probabilité de gagner le paradis? 10%? 1%? Pour conduire le calcul, il suffit que cette probabilité soit inférieure à 1/2, disons 49%. La variable aléatoire est alors

\[ \begin{equation*} \left\{ \begin{array}{ccc} −m + g & \text{ avec une probabilité de } & 0.49 \\ -m - g & \text{ avec une probabilité de } & 0.51 \\ \end{array} \right. \end{equation*} \]

  • dans (-m+g), (+g) désigne un gain immense que l’on fera tendre vers l’infini pour représenter le paradis; (-m) est la mise et représente l'engagement religieux;
  • dans(-m-g), (-g) représente une perte immense que l’on fera tendre vers moins l’infini pour représenter l’enfer.

L’espérance mathématique du cas où il y a Jugement Dernier est

\[ \begin{equation*} \begin{aligned} E &= (-m+g) \cdot 0.49 + (−m-g) \cdot 0.51 \\ &= -m -0.02 \cdot g \end{aligned} \end{equation*} \]

Si l’on fait tendre le gain g vers l’infini, l’espérance de ce cas tend vers moins l’infini:

\[ E(\text{avec Jugement Dernier}) = -\infty \]

Par contre, dans le cas où il n'y a pas de Jugement Dernier, le gain est nul, donc l’espérance de gain net est égale à la perte de la mise :

\[ E(\text{sans Jugement Dernier}) = -m \]

Vous êtes donc invité à un jeu à deux issues qui sont toutes deux défavorables. Dans une telle situation, le meilleur choix est de refuser de jouer. Le Pari de Pascal est un jeu à éviter.

Vu que chacun, souvent par clan religieux, se fixe des dogmes propres dont aucun n'est universel,
les croyants qui m'incitent à participer à leur «jeu» arbitraire ne sont pas crédibles.

Conclusion

Les éventualités qu'on ne peut exclure par une preuve sont si nombreuses et variées qu'on ne peut placer une mise que sur celles qui sont solidement étayées. Les autres doivent être délibérément ignorées.

La probabilité de l'existence d'un Dieu personnel est trop faible pour qu'il y ait un intérêt à s'investir en religion, et plus faible encore pour un Dieu qui nous aurait dicté des directives. Au pari de Pascal, le jeu n'en vaut pas la chandelle. On peut sans dommage renoncer à miser et s'éloigner de la table de jeu des croyances, car il est plus utile et plus constructif d'investir son temps et son énergie dans le domaine laïque.

La sagesse consiste à se détacher des utopies, c'est-à-dire à pratiquer l'indifférence religieuse.

Exploitation du Pari

Les endoctrineurs utilisent beaucoup la méthode du glissement: croire en Dieu implique - du moins veut-on nous le faire croire - d'adhérer au catholicisme, seule vraie foi. Et, contre toute logique, l’amalgame fonctionne: parce qu'elles croient en Dieu, beaucoup de personnes se sentent moralement obligées d'être chrétiennes. Il ne reste plus qu'à engager l'État à imprimer ces «vérités» dans l'esprit de tous les écoliers.

Épilogue

Et si, au lieu de parier sur Dieu, on pariait sur l'homme: l'humanisme hérité du siècle des Lumières, les droits de l'Homme, la démocratie et la recherche du bien commun?

Et si on réservait notre engagement à ce qui est universel, à l'écart des chapelles?

Et si on fondait l'enseignement, non sur l'autorité fût-elle d’Église, mais sur le développement du sens critique, de l'indépendance d'esprit et de l'autonomie intellectuelle, dans un cadre laïque?

La raison ne serait-elle pas mieux servie?

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