Résister à l'enseignement de l'Église: droits de l'Homme, morale, culture laïque

En Europe occidentale, nous observons que les religions séculaires s'effritent tandis que d'autres s'infiltrent. Assurément, nous sommes loin d'en avoir fini avec les zélateurs de la Vraie Foi Révélée qui présente la bizarrerie d'être plurielle. Il s'en dégage l'image d'un Dieu qui se cache, délivre des messages contradictoires et présente un trouble dissociatif de l'identité. La diversité des croyances révèle qu'elles sont des constructions culturelles dépourvues de fondements objectifs. Il n'est pas raisonnable d'obéir aux propagandistes d'un Dieu si mal défini.

Pourquoi l'homme s'accroche-t-il à des croyances dites sur l'au-delà, mais qui sont en fait au-delà de toute vraisemblance? La réponse est - ô révélation - à situer entre nos deux oreilles, c'est-à-dire dans notre cerveau. Se contenter d'arguments d'autorité est une capitulation de l'esprit.

Les religions œuvrent à dramatiser l'existence : l’œil de Dieu qui nous observe, le péché, le Jugement dernier, l'enfer (ou la réincarnation en un être inférieur), la vie éternelle, ...

La religion ne permet pas d'accéder à la paix intérieure, car elle développe une rhétorique d'intimidation qui met le fidèle sous pression et exige de lui toujours plus, sans fin. Celui qui ne met pas en place une défense se fait phagocyter.

Méfions-nous d'une religion qui sanctifie la soumission et l'obéissance: croire nous rendra captifs!

Résister un peu pour éviter la dérive extrémiste ne suffit pas; il est nécessaire de résister fermement pour éviter l'engrenage de la sujétion.

Être modéré en religion

Il est communément admis que, en matière religieuse, il faut absolument éviter de se radicaliser, d'être extrémiste. Donc, il faut rester modéré, se fixer des barrières à ne pas dépasser. Cela implique de prendre de la distance par rapport à la religion, d'émettre des jugements critiques, de refuser d'appliquer littéralement certains textes sacrés, bref de développer une capacité d'indépendance capable de tenir tête à la facilité de l'obéissance servile. Il serait fort imprudent se lancer en religion sans retenue et sans être doté de moyens de freinage.

Quelles sont ces limites et comment les définir? Puisqu'elles ne peuvent pas se fonder sur des valeurs religieuses, ce sont forcément des valeurs humaines. Le bon sens et l'empathie sont respectables, mais leurs contours sont trop flous et mal définis pour constituer une référence fiable. Je ne vois qu'une barrière à opposer aux dérives religieuses: le respect des droits humains.

Les valeurs religieuses ne sont donc ni absolues et ni fondamentales. Elles ne peuvent s'exercer que dans un cadre laïque qui l'englobe et lui est supérieur. En fait, notre culture n'est que partiellement fondée sur des valeurs religieuses puisées dans l'Antiquité. Plus essentiellement, elle est basée sur les valeurs laïques apparues au XVIIIe siècle telles que les droits humains et la démocratie moderne.

Les valeurs religieuses doivent impérativement être subordonnées aux valeurs laïques. On peut même avantageusement s'en passer.

C'est curieux : les croyants affirment généralement se situer très loin de l'extrémisme, car on peut toujours trouver pire. Cependant, les religions enseignent qu'il faut s'extraire de la mollesse et manifester plus d'engagement dans la foi, bref qu'il est mal de se complaire dans la modération.

«Aussi longtemps que nous acceptons le principe que la foi religieuse doit être respectée simplement parce que c'est la foi religieuse, il est difficile de refuser ce respect à la foi d'Ousama ben Laden et des auteurs d'attentats suicides. L'alternative, si évidente qu'il est inutile d'en souligner l'urgence, est d'abandonner le principe du respect automatique de la foi religieuse. C'est une raison pour laquelle je fais l'impossible pour mettre les gens en garde contre la foi elle-même, et pas seulement contre la prétendue foi "extrémiste". S'ils ne sont pas extrémistes en soi, les enseignements de la religion "modérée" sont une invitation ouverte à l'extrémisme.» Richard Dawkins

Quelles valeurs opposer à la barbarie ?

Comment l'Église, qui a organisé plusieurs croisades contre les musulmans, pourrait-elle condamner les guerres offensives? Le miracle par lequel elle prêche la tolérance, alors qu'elle a pratiqué une répression impitoyable par l'Inquisition, s'appelle-t-il «Faites ce que je dis, mais pas ce que j'ai fait»? Les lacunes éthiques sont abyssales. Le crédit de l'Église repose sur l'amnésie sélective.

La question du fondement des valeurs est cruciale. Par exemple, quelles valeurs opposer à l'esclavagisme ? La question se pose à propos de certains mouvements islamistes radicaux. Attendu que l'Église catholique a, dans un but expansionniste, durablement soutenu l'esclavage et accompagné les esclavagistes, les valeurs chrétiennes sont inopérantes dans ce contexte. Il est nécessaire de faire appel à des valeurs laïques comme les droits humains.

Le fondement des valeurs du monde occidental est moins dans le christianisme, comme le prétend la propagande chrétienne, que dans les valeurs héritées du siècle des Lumières et développées depuis lors: les droits humains, la démocratie, la liberté individuelle, l'état de droit, la séparation de la sphère étatique des sphères religieuses, la confiance en la raison, l'école obligatoire pour tous, l'égalité des sexes, la liberté d'expression, etc. Plus que toutes les autres valeurs culturelles ou religieuses, ces valeurs laïques sont à la source du succès de la civilisation occidentale.

Le message divin est cacophonique

Aujourd’hui, un tiers de la population mondiale se rattache au christianisme à des degrés divers. Pour une intervention divine aussi majeure que la venue du Christ, après 2’000 ans d’efforts intenses comprenant des croisades, l’inquisition, des guerres de religion, la colonisation et d’innombrables conversions obtenues par la force, le résultat est décevant.

Du point de vue de ceux qui croient à la Vérité, il reste les deux tiers des humains dans l’ignorance ou l’erreur. De plus, les chrétiens sont divisés, sans parler du degré de foi de chacun. La Providence et le marketing céleste sont à la peine. Dans la cacophonie des croyances, aucune religion ne prend l’ascendant et ne parvient à s’imposer par l’évidence de son ancrage divin.

Cependant, au lieu de juger la Révélation comme un ratage partiel, je la considère plutôt comme une fable d’origine humaine, ce qui explique l'impossible établissement d'une foi unique.

Je ne m’en plains pas, car le sens de la vie, le même pour tous et dicté par une religion, ne m’attire guère.

Le problème n’est pas l’homosexualité, mais la Bible

En 2015, l'évêque de Coire Mgr Vitus Huonder, lors d'un colloque catholique à Fulda, a lu et commenté ce verset :

[Le Lévitique 20 13] L'homme qui couche avec un homme comme on couche avec une femme: c'est une abomination qu'ils ont tous deux commise, ils devront mourir, leur sang retombera sur eux.

Comme ce propos contrevient à l'article 259 du Code pénal suisse qui condamne les incitations publiques au crime, une plainte pénale a été déposée. Mgr Huonder a été blanchi par la justice suisse, au motif que cet appel au meurtre ne doit pas être interprété comme devant être exécuté. Dit plus crûment, la Bible peut être prise plus ou moins au sérieux, mais pas vraiment. Le respect des personnes passe avant.

La Fédération des Églises protestantes de Suisse a ouvert la porte à l’introduction du mariage religieux pour les homosexuels. Elle admet ainsi officiellement que certains versets doivent être ignorés et que la Bible contient des incohérences. Or, à partir d’une contradiction, on peut déduire ce que l’on veut. On en voit d’ailleurs un effet : l’homosexualité pose encore problème chez les catholiques alors qu’elle est en voie d’être acceptée chez les protestants. Puisqu’on ne peut pas se fier à la Bible, on peut estimer qu’elle a été écrite sans intervention divine par des êtres humains pas toujours inspirés.

L’homosexualité doit être acceptée comme un phénomène naturel sans motif de discrimination. Le problème est que la Bible prône l’intolérance. Une prise de distance par rapport à la religion permet de s’alléger d’un conflit moral illusoire.

Le péché ou l’expression d’une pédagogie divine dépassée

L’éducation catholique que j’ai reçue insiste beaucoup sur le péché. Certes, après réflexion, la notion de péché recouvre aussi les actes que l’on n’a pas accomplis, par exemple n’avoir pas accordé son aide à une personne qui en avait besoin, mais la première idée qui ressort se rapporte à des actes interdits, par exemple d’ordre sexuel.

L’Église encourage l’examen de conscience, ce que l’on devrait approuver s’il n’était pas centré sur les manquements, les erreurs, les fautes et les péchés. La notion de péché évoque la culpabilité, la punition et la souffrance, ce qui en fait quelque chose de négatif, de paralysant, de peu constructif et de destructeur.

Cette manière de voir ne correspond pas du tout à mon expérience de vie selon laquelle il y a beaucoup plus à regretter parmi les choses que l’on n’a pas faites que parmi celles que l’on a accomplies. Il me paraît plus constructif d’orienter mon examen de conscience sur ce que je pourrais faire de bien, de regarder vers l’avenir plutôt que vers le passé.

C’est aussi l’orientation qu’a prise la pédagogie moderne, en opposition avec l’enseignement traditionnel de l’Église.

Le catholicisme n'est pas une religion comme les autres

Dans la majorité des religions, le clergé ne joue qu'un rôle de facilitateur, un rôle utile mais non nécessaire. Au contraire, dans le catholicisme, à travers les sacrements et la messe, le clergé joue le rôle d'un intermédiaire indispensable d'où il tire (ou tout au moins tirait) une autorité renforcée. Un catholique authentique ne peut pas prétendre s'arranger directement avec Dieu.

Révolution au Royaume des cieux

«La doctrine du peuple élu est indubitablement un produit de la forme tribale de la société.»
Karl Popper, La Société ouverte et ses ennemis

Le Royaume des cieux est une idéalisation des royaumes hébreux. Une part essentielle de la félicité céleste réside certainement dans le sentiment de se sentir parmi les siens. Quant à la contemplation divine, elle évoque irrésistiblement le privilège d'assister au petit lever du Roi-Soleil. Mais le plus important est à venir.

D'une part, y passer l'éternité me paraît vraiment trop long; moi qui supporte difficilement les spectacles de plus de trois heures, je crains de m'ennuyer terriblement, sans fin. L'au-delà n'est peut-être pas idyllique.

Ensuite et surtout, je déplore qu'il s'agisse d'un royaume: pour parvenir au bonheur, j'ai impérativement besoin de mon autonomie intellectuelle et de ma liberté de pensée. Je m'empresserai de réclamer une démocratie céleste. Que le Roi abdique! Vive la république!

Mais obtiendrai-je la permission de créer un parti laïque? Le Royaume des cieux me cause bien des soucis ... et perd beaucoup de ses attraits. L'immortalité me paraît ainsi guère souhaitable.

La prière

La prière consiste à confier une tâche à « Quelqu'un qui gère » - un super-sous-traitant des problèmes - ce qui procure un sentiment de soulagement et d'apaisement.

Cependant, comme le remarque justement le proverbe « Aide-toi et le Ciel t'aidera », il est plus efficace de gérer soi-même les problèmes en prenant les mesures appropriées. Dans une reformulation plus laïque, il faut prendre le temps d'organiser sa vie, ce qui apporte aussi - plus constructivement que la prière - soulagement et apaisement. Et surtout, le taux de réussite est meilleur.

On peut dresser un parallèle entre le catholicisme et le royalisme européens

Une large partie de la population suisse se réclame du catholicisme tout en ne le pratiquant pas. Dans le fait que l'étiquette ne correspond pas au contenu, je vois une analogie avec la politique aux Royaume Uni: l'attachement à la royauté est plébiscité, mais c'est quand même la démocratie sous une forme moderne qui est pratiquée. Pour une grande partie de la population, les religions chrétiennes sont des coquilles vides que l'on peut décorer.

Du clan au communautarisme

La tendance des sociétés primitives à se regrouper en clans se maintient aujourd'hui en prenant la forme du communautarisme. Il s'agit de cultiver des sentiments d'appartenance à des communautés ethniques, culturelles, politiques ou religieuses en traçant une frontière nette entre les membres et les autres.

Cet état d'esprit est cultivé par les religions. La loyauté et la fidélité à la communauté sont des vertus cardinales en vertu desquelles, si l'on est né dans la communauté, ce serait une trahison que de s'en éloigner. Une caractéristique de la «culture clanique» est de brider la liberté individuelle au profit de «l'intérêt supérieur de la communauté».

Les relations à privilégier sont celles entre les membres de la communauté, les autres devant être réduites au nécessaire et à l'utile. Un exemple parmi d'autres: un mariage inter-religieux est un gâchis à éviter.

L'esprit communautariste tend à déboucher sur un parti-pris: «tous les être humains sont égaux, particulièrement ceux qui sont comme nous, tandis que les autres le sont un peu moins».

Au delà du désamour pour les Églises

Pour commenter la déchristianisation de notre société, le désamour pour les Églises chrétiennes est souvent mentionné. Je suis d’avis que le désenchantement est bien plus profond.

Pour être prise en considération, une idéologie ou une religion doit satisfaire au moins les trois conditions suivantes : être en accord avec les faits établis, être cohérente et respecter les Droits humains. Qu’en est-il du christianisme?

Pour l’exigence d’être en accord avec le monde réel, la Bible, particulièrement la Genèse, est en profonde contradiction avec l’histoire, qu’il s’agisse de celle de l’univers, de la terre, de la vie et de l’homme.

Pour l’exigence de cohérence interne, le christianisme contient des contradictions majeures. Par exemple, la damnation et l’Enfer sont incompatibles avec le précepte de pardonner à ses ennemis. En effet, Dieu sanctionne de peines éternelles, donc disproportionnées. Surtout, il demande de pardonner à ses ennemis, mais ne pardonne pas à tous. D’autres incohérences peuvent être signalées, comme le verset homophobe «Le Lévitique 20,13».

Pour la troisième exigence, si l’Église catholique dit accepter les Droits humains, elle n’en respecte pas l’esprit. Par exemple, elle refuse aux femmes une égalité étendue jusqu’aux fonctions sacerdotales.

Ainsi, les motifs de rejeter le christianisme dépassent largement le simple désamour pour les institutions et touchent le cœur même de la foi.

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